Championne de résistance au mildiou
Chez Semance, on a le tropisme de l'expérimentation. Nos activités semencières nous sont un continuel prétexte d'expérimentation et de découvertes. Lorsqu'on a de l'intérêt pour cette prodigieuse concentration de vie qu'est la moindre graine, dont la germination est un véritable miracle de la nature, on ne peut qu'être sensible aux manifestations de la créativité infinie qui est à l'œuvre dans la sexualité des plantes.
Avec les pommes de terre, les surprises dans ce domaine semblent encore plus inhabituelles par le fait que la reproduction par voie non sexuelle est la norme, les semis étant une rareté. S'il y a une espèce dont les croisements entre variétés au moyen d'une reproduction par semence interposée peut signifier de belles surprises pour l'expérimentateur ou le simple amateur curieux, cette espèce est bien la pomme de terre. Car on sait combien ardu peut s'avérer l'objectif d'obtenir régulièrement une bonne récolte annuelle de pommes de terre, le mildiou s'acharnant, année après année, à nous la rendre aléatoire.
Les variétés les plus connues, les favorites du maraîchage professionnel et de l'agro-industrie, et même, très souvent, aussi des horticulteurs amateurs, sont généralement assez sensibles au mildiou. Cela impose partout l'utilisation de certains produits chimiques, dont on imprègne le feuillage à plusieurs reprises pendant la saison afin de rendre viable leur culture et s'assurer d'un bon rendement. Si on est un petit producteur ou un maraîcher ou horticulteur amateur, et que l'on veut se passer de traitements chimiques, que ce soit à la bouillie bordelaise ou à d'autres produits chimiques encore plus nuisibles, comme ceux utilisés par l'agroalimentaire, on serait bien avisé de se tourner vers la reproduction sexuée de la pomme de terre, c'est à dire vers les semis à partir de vraies semences.
Les "vraies semences" de la pomme de terre, ce sont les graines que l'on trouve dans les fruits, ressemblant à de petites tomates vertes, souvent assez rares, que certains plants produisent. Il faut dire qu'on appelle d'ordinaire "semence" la pomme de terre destinée à la reproduction; or, il ne s'agit pas là d'une vraie semence, au sens propre du mot, la vraie semence de la pomme de terre étant la graine contenue dans son fruit, sa petite "tomate". Le petit producteur ou l'horticulteur amateur qui sème des semences vraies de pomme de terre est promis à de vraies et, si chanceux, de belles surprises. Il doit savoir (et s'il ne le sait pas il ne tardera pas à le savoir) que de chaque grain semé il sortira littéralement un nouvelle variété de pomme de terre. Et s'il a un tour d'esprit expérimentateur et une certaine dose de patience, il fera des constatations et des comparaisons utiles sur ce qu'il aura obtenu la deuxième année et, qui sait?, s'apercevra qu'il a réussi à produire une variété de pomme de terre nouvelle ayant une meilleure résistance au mildiou, ce qui est l'ambition majeure de tout obtenteur professionnel ou amateur.
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Deux belles récompenses à notre curiosité et ténacité ces dernières années: nous les avons baptisées "Blanche d'Uccle" et "Rose d'Uccle". Des centaines de variétés de pomme de terre surgies dans le cadre de nos expérimentations, seulement ces deux, à cette date, nous ont réellement convaincus.
BLANCHE D'UCCLE
La première en date est la Blanche d'Uccle. Elle est le résultat de croisements entre une variété à grosses pommes de la sous-espèce tuberosum, à chair blanche et fondante, l'Agnella, populaire en Pologne, et une variété de phureja, la Criolla colombienne, assez petite, d'une texture farineuse, à la chair d'un jaune intense. La Blanche d'Uccle produit des pommes d'une grosseur grande à moyenne, assez rondes, à la peau jaune pâle à blanc cassé, la chair blanche est d'une texture fondante. Elle garde de l'Agnella la belle grosseur de tubercules et la blancheur de la chair, et de la Criolla un goût relevé et, surtout, le gène de la résistance au mildiou. Suivie pendant une dizaine d'années, elle s'est montrée toujours très résistante au champignon. En 2021, l'année la plus éprouvante pour ce critère, puisqu'on a connu les conditions météorologiques les plus défavorables depuis des lustres, elle a tenu bon mais avec tout de même une diminution par moitié de sa productivité.
La Blanche d'Uccle au milieu de l'image, fin juin 2020, entourée de deux variétés peu résistantes au mildiou.
Potager Semance "La Tour" (quartier du Homborch, Uccle)
Comportement à la cuisson: polyvalente, elle est excellente au four (en robe des champs), en purée et pour les soupes et les potages.
Niveau estimé de résistance au mildiou: 8,5 / 10
ROSE D'UCCLE
La dernière venue est la Rose d'Uccle, résultat de multiples croisements entre, d'un côté, des variétés remarquables par leur résistance aux inclémences du temps et au mildiou, notamment des variétés de l'espèce stenotomum, sauvages au Pérou, Bolivie et Nord de l'Argentine et, de l'autre, la Criolla colombienne, de l'espèce phureja. Suivie depuis quatre ans, elle s'est montrée jusqu'ici une véritable championne pour la résistance au mildiou. En 2021, l'année qui par les conditions météorologiques qui furent les siennes devient une année de référence en matière de résistance des plantes sensibles aux maladies fongiques, la Rose d'Uccle a prouvé ce qu'elle vaut pour ce critère. Elle est restée verte et prospère jusqu'à la fin de son cycle, gardant son feuillage vert jusqu'aux derniers jours de septembre, au prix, il est vrai, d'une baisse d'environ un tiers de sa productivité moyenne. Peau rose magenta, pommes d'une grosseur moyenne, texture mi-ferme à ferme.
Aspect culinaire: pour les cuissons à l'eau, à la vapeur ou pour les salades.
Niveau estimé de résistance au mildiou: 9,5 / 10
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